Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati a présenté, dimanche à Alger devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), le projet de loi modifiant le Code de procédure pénale qui vise la préservation des deniers publics, à travers la facilitation de la mise en mouvement de l’action publique et l’annulation des contraintes qui faisaient obstacles à la Police judiciaire lors de l’accomplissement de ses missions.
Exposant les dispositions du texte, le Garde des Sceaux a affirmé que
l’amendement du Code de procédure pénale s’inscrivait dans le cadre de la
« poursuite des efforts déployés par l’Etat pour préserver les deniers
publics », à travers notamment la « consolidation et le renforcement du
cadre juridique de lutte contre la criminalité, par l’abrogation des
dispositions à effet négatif sur la mise en mouvement de l’action publique et
son exercice par le ministère public d’une part, et celles faisant obstacles à
la Police judiciaire lors de l’accomplissement de ses missions, d’autre
part ».
Pour ce faire, le projet de loi propose l’abrogation
des articles 6 bis, 15 bis, 15 bis 1 et 15 bis ter Code de procédure pénale
relatifs aux conditions de mise en mouvement de l’action publique pour les
crimes en lien avec les deniers publics, ainsi que les attributions et missions
des officiers de la Police judiciaire relevant des services militaires de
sécurité.
Le texte propose également l’amendement de l’article 207 relatif au contrôle
par la chambre d’accusation de l’activité des officiers de Police judiciaire,
notamment par la révision des mesures mise en place en vertu de la loi de mars
2017 portant habilitation des officiers de Police judiciaire à l’exercice
effectif des attributions liées à cette qualité.
Mise en mouvement de l’action publique pour les crimes
en lien avec les deniers publics
Les mesures prévues par le Code de procédure pénale de juillet 2015 ont vu
l’introduction de la condition de la plainte préalable des organes sociaux de
l’entreprise économique pour la mise en mouvement de l’action publique à
l’encontre des dirigeants des entreprises économiques dont l’Etat détient la
totalité des capitaux ou à capitaux mixtes, pour des faits de gestion
entrainant le vol, le détournement, la dégradation ou la perte de deniers
publics ou privés.
Pour M. Zeghmati, le texte dudit article qui se voulait une sorte de protection
des dirigeants des entreprises économiques, tenus à l’abri des poursuites
judiciaires qui pourraient être infondées au regard de la nature de leur
travail, avait des répercussions « très négatives » sur la mise en mouvement
de l’action publique pour les crimes en lien avec les deniers publics.
Ces dispositions, ajoute le ministre, constituent un « obstacle » qui
entrave l’activité des juridictions, en général, et du ministère public, en
particulier, en raison de la position et des agissements des représentants des
organes sociaux des entreprises, lesquels « s’abstiennent de porter
plainte » contre les auteurs d’actes criminels, arguant de l’absence de la
qualification pénale des actes objet d’enquête, qu’ils estiment, de bonne foi
ou sciemment, être de simples « erreurs de gestion qui ne s’apparentent pas
à des crimes », alors que cela relève des prérogatives exclusives du juge.
Cette position étant répandue chez les représentants de ces entreprises, les
dispositions incluses dans l’article 6 bis constituent « une véritable
entrave juridique qui se répercute négativement sur le rendement du ministère
public et de la Police judiciaire et réduit leur efficacité dans le domaine de
la lutte contre le crime économique », a ajouté le ministre, estimant que
l’abrogation de cet article et le retour aux règles et principes juridiques
consacrés en matière d’enquêtes et de poursuites « est à même de renforcer
la protection des deniers publics et la lutte contre les crimes financiers ».
Elargissement des attributions et missions des
officiers de Police judiciaire relevant des services militaires de sécurité et
contrôle de leur activité
L’article 15 bis du Code de procédure pénale, introduit en mars 2017, a limité
les missions de la police judiciaire des officiers et sous-officiers relevant
des services militaires de sécurité aux crimes d’atteinte à la sûreté de l’Etat
prévus dans le Code pénal, ce qui a réduit le rôle de cet organe dans les
recherche et investigations relatives aux crimes ».
La pratique sur le terrain a montré que la limitation des missions de ce
service à certains crimes « a impacté négativement sur le déroulement »
des investigations et des enquêtes dans des affaires de droit commun, notamment
les affaires de corruption et d’atteinte à l’économie nationale, dont les
crimes transfrontaliers.
Partant de ce constat, le ministre a jugé impératif d' »élargir le domaine
de compétence » dans ce corps de police judiciaire pour englober tous les
crimes prévus dans la législation pénale.
Quant au contrôle de l’activité des officiers de police judiciaire relevant des
services militaires de sécurité, le projet de loi propose l’amendement de
l’article 207 relatif au contrôle de l’activité des officiers de police
judiciaire, confié à la chambre d’accusation qui est saisie par le procureur
général concernant les manquements relevés à la charge de ces officiers de
police judiciaire dans l’exercice de leurs missions.
Compte tenu de la qualité de militaire dont jouissent
les officiers de Police judiciaire relevant de la Gendarmerie nationale et des
services militaires de sécurité, le Procureur général territorialement
compétent se charge d’informer le Procureur général militaire sur le cas de
saisine, si l’officier de police judiciaire concerné relève du corps de la
Gendarmerie nationale.
S’il s’agit d’un officier de Police judiciaire relevant des services militaires
de sécurité, le Procureur général près la Cour d’Alger engage les procédures de
saisine de la chambre d’accusation de ladite cour, seule habilitée à trancher
ce type de manquements, et ce après consultation du Procureur général militaire
territorialement compétent, lequel doit émettre son avis dans un délai
n’excédant pas 15 jours.
Proposition d’abrogation de la condition
d’habilitation des officiers de Police judiciaire à l’exercice effectif des
attributions liées à cette qualité
Ledit projet de loi présenté devant la Commission juridique, propose également
l’abrogation des deux articles 15 bis1 et 15 bis ter du Code de procédure
pénale, lesquels stipulent que l’officier de Police judiciaire n’est en mesure
d’exercer, de manière effective, les attributions liées à sa qualité qu’une
fois habilité, sur décision du Procureur général près la Cour de justice du ressort
duquel exerce l’officier en question, et sur proposition de l’autorité
administrative dont il relève.
Le même article confère cette prérogative au Procureur général près la Cour
d’Alger, concernant les officiers de Police judiciaire relevant des services
militaires de sécurité, a précisé le ministre, estimant que cette décision
avait « impacté négativement » le fonctionnement des services de Police
judiciaire en réduisant l’efficacité de leurs performances, du fait de la
lenteur des procédures d’habilitation, outre la condition de renouvèlement des
procédures à chaque fois que l’officier concerné est transféré d’une Cour à une
autre.
Mises en œuvre depuis plus de deux ans, ces dispositions étaient à l’origine de
l’exclusion, des procédures d’habilitation, de nombre d’officiers de Police
judiciaire, en vertu des missions qui leur sont assignées en dehors de celles
de Police judiciaire, par l’autorité administrative dont ils relèvent, ou
pour non accomplissement des missions de Police judiciaire de manière
permanente.
Pour M. Zeghmati, cette procédure d’habilitation
« a montré ses limites en matière de performances de la Police judiciaire
et n’a apporté aucun plus à la qualité de ses prestations, d’où la nécessité de
son annulation ».
Le projet de loi prévoit, par ailleurs, l’amendement des dispositions des
articles 15 et 19 du Code de procédure pénale en vue d’adapter l’appellation
d’officiers et agents de Police judiciaire de la Gendarmerie nationale et des
services militaires de sécurité à celle consacrée dans les textes juridiques et
réglementaires régissant ces deux corps.
HSHN