Ordre International plus Multipolaire et Juste

Ordre International plus Multipolaire et Juste

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Gamal Abina
Gamal Abina

Le sud loin d’une approche qui nierait ou minimiserait son existence, ou au contraire l’Afrique désigne surtout une revendication, croissante et destinée à faire entendre sa voix, pour un ordre international plus multipolaire et moins unidirectionnel. Pour mieux comprendre les réactions sur le continent africain et les enjeux, le magazine SALAMA s’est entretenu avec Gamal Abina chroniqueur et consultant international en géopolitique, expert de l’Afrique et du Maghreb.

SALAMA : Le 6 mai 2024, le président de la junte, Mahamat Idriss Déby Itno affronte son Premier ministre, Succès Masra,l’opposition hurle à la mascarade. Que pensez-vous de cette élection et pourriez-vous nous donner plus de détails ?

G.A : Le fils du défunt président Idriss Déby, président autoproclamé a eu l’habileté de récupérer Succès Masra dans son gouvernement, afin de calmer les ardeurs de l’opposition. La volonté de se présenter aux élections présidentielles en tant que successeur dynastique de son père, ne plaît pas à l’opposition et on le comprend très bien. D’abord parce qu’il a été adoubé par Emmanuel Macron, au moment où des révolutions militaires ont eu lieu dans plusieurs pays de la zone francophone d’influence française, mais surtout, parce qu’on observe un double standard, du côté le Niger le Burkina et le Mali qui subissent une condamnation de l’ancienne puissance coloniale et de l’autre côté, une consécration de l’arrivée au pouvoir du fils de monsieur Deby, qui ne répond pas au caractère démocratique réclamé par le peuple. Le principal opposant est rentré dans le gouvernement, dans le but disait-il, de faire bouger les lignes, mais en vérité il fait figure de Pantin, d’un dirigeant, qui ne voudra sans doute pas risquer une défaite dans une élection repoussée trop longtemps. Il y a fort à parier que la succession dynastique, d’Idriss Déby Itno soit garantie par une opposition atomisée et une élection dont le caractère démocratique pourra être questionnée.

SALAMA : L’Ukraine cherche le soutien de l’Afrique et promet plus de céréales et d’investissements pour l’Afrique, ainsi qu’une première visite historique du président Volodymyr Zelensky sur le continent. Quel est votre avis là-dessus ?

G.A : L’Ukraine de Monsieur Zelensky, désespérée après son revers d’une contre-offensive annoncée depuis longtemps et qui a été un échec patent, cherche, à nouveau, désespérément des soutiens tous azimuts pour financer sa guerre. Son voyage en Afrique va dans ce sens. Zelensky sait que la Russie est très implantée dans certaines zones du continent, par le truchement de sa milice privée Wagner, mais surtout, par un investissement réel dans les relations russo-africaines, renouvelées avec plusieurs sommets successifs. Les Africains ne sont pas dupes de ce marchandage sur la question des céréales, proposé par le président Ukrainien, que les Russes peuvent parfaitement fournir, tout comme ils fournissent des engrais et des armes, mais surtout la proposition
ukrainienne d’investissement en Afrique paraît pour le moins douteuse, compte tenu de l’état de délabrement du pays à la suite du conflit, ouvert 24 février 2022, par Vladimir Poutine. Aujourd’hui Zelensky qui tente son va-tout en monnayant le blé ukrainien contre des soutiens africains et une rupture avec Moscou, il est peu probable que cette opération désespérée aboutisse, mais on comprend parfaitement les motivations sous-jacentes qui président à cette volonté ukrainienne.

SALAMA : Dans une déclaration à la télévision d’État, le Col. Amadou Abdramane, porte-parole du pouvoir militaire, annonce rompre sa coopération militaire avec les Etats-Unis, quelles sont réellement les raisons et quelle est votre analyse sur cette situation ?

G.A : Le porte-parole du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie du Niger, Amadou Abderrahman, vient d’annoncer la rupture des relations militaires avec les États-Unis, qui possède une base de 1 500 soldats installé à Agadez, pas loin de Niamey la capitale. On peut imaginer qu’une des raisons pour lesquelles ils viennent de faire cette annonce, consécutive au départ forcé de la France du pays, est liée à un repositionnement géostratégique du retour de la Russie, sur l’échiquier international mondial. Il n’est pas impossible, à l’image du Mali et du Burkina, que le Niger finalement se rapproche de Moscou, pour se garantir des approvisionnements en armes et des investissements, tout en sécurisant le nouveau pouvoir, après le coup d’État contre l’ancien président, Mohamed Bazoum. Cette annonce, bien que pouvant surprendre certains, n’est en réalité pas vraiment une surprise, il y a un mouvement géopolitique important dans le monde et les coups de forces militaires africains, qui se rapproche des régimes des ex-pays de l’Est, anciennement communistes, comme la Chine et la Russie, arrivent de façon très opportune, après 30 ans de règne sans partage des États-Unis sur le monde.

SALAMA : les électeurs sénégalais seront bientôt appelés aux urnes, les deux opposants récemment libérés, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye se sont immédiatement lancés dans la campagne. Sonko qui est inéligible, va faire jouer sa popularité en faveur de son parti politique. Si l’opposition gagne cette élection présidentielle, quel sera son impact et pourra-t-elle influencer d’autres pays dans cette région africaine ?

G.A : Avec un mouvement panafricain de plus en plus visible, et qui fait entendre sa voix, des jeunes opposants, comme Sonoko, devenu inéligible dans une affaire douteuse, relance les rêves de Sankara Lumumba ou Kadhafi d’une Afrique débarrassée de l’influence occidentale, jeune dynamique et qui reprendrait son destin en main. Le report de l’élection présidentielle au Sénégal, a surpris la communauté internationale, qui s’était habituée à un pays démocratique et stable, mais aujourd’hui la jeune garde des pays d’Afrique de l’Ouest semble faire entendre sa voix, entre les coups de force militaires d’un côté, et les contestations sociales et politiques de l’autre on peut s’attendre à des changements considérables ; on pourrait même parler d’un effet domino dans les pays
de l’Afrique de l’Ouest. Le mouvement a commencé en Centrafrique, avec l’intervention des Russes, puis l’effet de contagion s’est produit avec le Mali, le Burkina, le Niger et la Guinée, il reste sur la carte, le Bénin, le Sénégal et la Côte d’Ivoire qui pourrait être un jour inquiétés par ces mouvements populaires. Quoi qu’il en soit, le report de l’élection traduit une fébrilité du pouvoir qui s’attend à des changements, là aussi, radicaux.

SALAMA : Vladimir Poutine, a été largement et sans surprise réélu président de la Russie, malgré des incidents isolés qui ont émaillé les opérations de vote. Le président ukrainien Volodymyr Zelinsky a jugé que ce « simulacre d’élection » n’avait aucune légitimité et a accusé Vladimir Poutine de vouloir rester éternellement au pouvoir. Aux Etats-Unis, la Maison blanche a déclaré que ce scrutin n’était « à l’évidence ni libre ni équitable ». Que pensez- vous de cette élection et quelle est votre analyse ?

G.A : Il est bien évidemment logique, que le président Zelensky critique le résultat au scrutin qui lui est défavorable, avec un maître du Kremlin reconduit à nouveau et qui va pouvoir faire face à un président ukrainien, largement disqualifié à la suite de l’échec de sa contre-offensive et dont le pouvoir, devient de plus en plus autoritaire, dans un climat de guerre, qui peut expliquer cette dérive. Cela ne fait pas les affaires de Zelinsky, ni de Washington, qui ont beau critiquer une réélection de Poutine en Russie, oubliant par-là même qu’il était prévu une élection en Ukraine, qui semble-t-il va être ajournée. Une chose est sûre, quel que soit la crédibilité de l’organisation des élections et de leur transparence, Vladimir Poutine et là pour durer, 6 ans de plus avec une popularité, selon des sondages réalisés par les instituts indépendants, qui n’a jamais baissé. Une économie russe plus que résiliente, puisqu’elle est en croissance, des victoires sur le terrain militaire qui s’enchaînent les unes derrière les autres, une posture d’un retour de la Grande Russie, après des années d’humiliation Eltsine, et une reconquête économique portée par le
président actuel. Qui pouvait réellement imaginer qu’avec des adversaires inexistants une popularité incontestable et une victoire annoncée à l’ouest, que Monsieur Poutine pouvait perdre l’élection ? La question n’est pas de savoir s’il a été élu dans les règles de l’art, si le scrutin est crédible, aussi plus simplement il y a une dérive dictatoriale, mais s’il est réellement populaire si sa politique porte ses fruits et s’il finira par être le vainqueur de l’Ukraine ?Évidemment toutes ces questions ne trouveront pas de réponse à Washington ou à Kiev.Vladimir Poutine est là pour durer et rien à part l’âge ne semble s’opposer à cela.

SALAMA : Encore une fois le Makhzen Marocain provoque l’Algérie en voulant s’engager pour confisquer les biens de l’ambassade d’Algérie à Rabat, or c’est une violation des lois et des conventions internationales.
L’Algérie promet de répliquer par toutes les voies légales. Quel est votre point de vue et pensez-vous que cette situation puisse mener à une escalade de guerre ?

G.A : Le pouvoir marocain, qui n’en n’est pas à sa première provocation, continue sa fuite en avant en contravention de toutes les règles et conventions internationales. La tentative de confiscation des avoir algériens, en dehors du fait qu’elle est parfaitement inutile et augmente un climat délétère, démontre que le Maroc méprise, comme pour le Sahara occidental, le droit international. Dans sa tradition habituelle, l’Algérie va saisir les instances internationales, pour régler ce conflit sur le terrain des tribunaux, et ne répondra pas à la provocation, qui ne sert que les intérêts des ennemis du monde arabe. Le risque de guerre entre les pays a déjà existé en 63 ; avec l’agression par Hassan II de l’Algérie à Tindouf, mais depuis cette époque, l’Algérie s’est toujours refusée à répondre à des provocations grossières, comme celle-ci. Bien que le Maroc ait fait appel à Israël et son “expertise technique” pour provoquer les Algériens, la tradition algérienne, qui a vu consacrer la création de l’État nation algérien à l’ONU, maintiendra son cap, conformément au droit international, indépendamment des provocations réitérées du pouvoir qui dirige le Maroc. Cette position de principe a toujours été la même depuis 60 ans et continuera à être de mise aujourd’hui comme demain.

Biographie : Gamal Abina né le 31 juillet 1968 Auch dans le Gers département 32, franco-algérien résidant à Paris militant des colonial chroniqueur et consultant international en géopolitique et politique. Chroniqueur permanent sur France Maghreb 2 Beur FM RT en français, intervient très régulièrement sur aL24 news Canal Algérie chaîne 3 Alger radio Ifrikya et radio internationales algérienne. Intervient régulièrement sur les médias du Moyen-Orient Al Jazeera el Arabia et cetera. Intervention chaque semaine chez Morad in live cnews. Formation de gestion économie comptabilité droit chef d’entreprise agence de publicité les commerces de textile en gro. Membre co-fondateur du MDC mouvement des droits civiques.

HHS  

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