IL EST TEMPS DE RENOUER AVEC L’ESPRIT DE L’ISLAM POUR LE MIEUX...

IL EST TEMPS DE RENOUER AVEC L’ESPRIT DE L’ISLAM POUR LE MIEUX VIVRE ENSEMBLE

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Très engagé dans le dialogue interreligieux, Tareq Oubrou*, Grand Imam et Recteur de la Mosquée de Bordeaux, était présent à la Conférence pour la Paix et la Solidarité organisée au Palais Brongniart à l’initiative de la Fondation de l’Islam de France présidée par Ghaleb Bencheikh et le Secrétaire Général de la Ligue Islamique Mondiale Mohammed Abdel Karim Al Issa.

Intervenant avec son verbe toujours haut dans une table ronde, Tareq Oubrou a porté la voix d’un islam qu’il veut moderne, compatible avec la République, rappelant le contexte des enjeux majeurs de la Conférence et comment améliorer aujourd’hui le mieux vivre ensemble. Un discours important et fort qui va dans le sens de la Paix et la Fraternité qu’il a appelé de ses vœux. Des réponses qu’on retrouve par ailleurs dans son dernier livre  » Appel à la réconciliation! où foi musulmane et valeurs de la République se rassemblent pour mieux s’accomplir entre les musulmans et la République. Traçant méticuleusement le chemin d’une intégration de l’islam dans la société française à la recherche d’une assimilation des musulmans aux valeurs de la République. Pour Tareq Oubrou, « c’est aux musulmans de s’adapter à la France et la République. Pas l’inverse. »

Tareq Oubrou a bien voulu accorder un entretien exclusif au magazine Salama dans lequel il revient sur les enjeux actuels de la société musulmane, l’islam, la société française, la République et la  laïcité.

SALAMA:Vous étiez présent à la Conférence de Paris pour la Paix et la Solidarité organisée au Palais Brongniart. Quelles conclusions en tirez-vous de cette grande réunion ?

TAREQ OUBROU: J’ai bien entendu tout ce qui va dans le sens de la paix, de la solidarité et de la Fraternité. Cette grande conférence vient d’ouvrir le dialogue nécessaire entre les religions universalistes qui doit s’imposer avec franchise, tant pour la transmission de la foi que pour la recherche de solutions indispensables au service de l’homme quel qu’il soit. Comme doivent s’imposer  les questions urgentes de la solidarité, de la fraternité, d’humanisme et de paix qui sont des questions sérieuses. Car « la foi ne s’impose pas. Il faut plus inviter l’autre à la foi et non lui imposer la foi. »

SALAMA: Vous prêchez pour la mise en place d’un nouvel organe à l’image du Rabbinat napoléonien ou du Conseil des Evêques pour porter la parole religieuse, en somme une organisation où l’imam aura plus un rôle liturgique et pastoral. Pouvez-vous nous en dire plus?

T.O : Oui, c’est une de mes propositions que j’ai porté devant le CFCM et je souhaite qu’on soit capable aujourd’hui de voir l’avenir de l’islam accompagné d’un organe nouveau comme il en existe ailleurs. Car cette pièce manque à l’organisation et même à l’image de la société. Mais avant tout, il est  question de formation d’abord des imams pour miser sur leur compétence et distinguer la gestion du culturel et du cultuel. L’imam aujourd’hui œuvre dans une mosquée gérée par une association culturelle dépendante d’un conseil d’administration souvent en proie à des  difficultés administratives et financières. Il est appelé le pus souvent à des sollicitations autres, comme aider, conseiller, secourir, tel un assistant social. Libérons- le de ces charges quasi lourdes en le rendant référent de la fonction pastorale. Mieux formé et intégré dans un conseil national des imams de France par exemple, ( comme un ordre des imams), il doit porter la parole et la représentation religieuse. Un chef spirituel donc, ouvert aux adaptations nécessaires à la société musulmane d’aujourd’hui pour mieux jouer un rôle d’intégration de sa société dans la société du pays d’accueil et préserver ainsi la place de l’islam dans l’espace français. Cela ne peut se faire que par une vraie formation pour faire émerger la compétence, en phase avec l’époque pour une pratique de l’islam adaptée à la société française.

SALAMA:  Vous avez écouté l’intervention du Secrétaire Général de la ligue islamique mondiale Mohammed Abdel Karim Al issa. Qu’en dites-vous à ce sujet ?

T.O : Tout ce qui peut aller dans le sens de la paix et la fraternité est toujours bon à entendre. C’est un discours important. Un discours de rupture avec le passé qui va dans le sens de l’entente et de la paix. Un vrai tournant dans la politique Saoudienne qui a décidé de rompre avec une doctrine Wahhabite, idéologique, instrumentalisée, qui a divisé les sociétés avec des effets et des tensions fortes notamment entre les sociétés musulmanes. La ligue islamique mondiale est en train de changer. Après les discours doivent suivre les actes. Ce que l’on doit attendre en priorité. Il nous faut donc aussi avoir la franchise d’aborder toutes les questions essentielles et faire front commun au service du bien de l’humanité par la transmission de la foi, mais aussi dans le domaine culturel, de la solidarité, au profit de la jeunesse. Et régler les questions qui étaient de côté comme le terrorisme et l’extrémisme, l’incompatibilité entre islam et violence, la liberté de conscience, l’obligation pour tout musulman de respecter les lois du pays dans lequel il vit, l’égalité entre hommes et femmes…Nous sommes donc dans cet engagement, il faut désormais des actes forts et solidaires.

SALAMA: Les Femmes Imams dans les mosquées en France. Qu’en pensez-vous?

T.O: Ne faisons pas une obsession sur la femme et imam de surcroit. Il y a déjà deux exemples de femmes imams qui commencent à exercer en France. Laissons faire la compétence, toute la compétence et donnons leur le temps qu’il faut et l’expérience décidera après.

SALAMA: Parlez-nous de votre dernier ouvrage « Appel à la réconciliation »  publié aux éditions Plon, mai 2019 ?

T.O :  C’est un appel à la réconciliation comme son titre l’indique. Il est là pour faire comprendre d’une manière générale l’islam et l’homme musulman, où je m’interroge sur tous les préjugés véhiculés sur la foi musulmane (le Coran et la Sunna), par exemple sur le voile, l’antisémitisme, un blasphème d’après moi. Ce livre pose la question sur le rapport de l’islam et la société, la République, la liberté de conscience, la laïcité comme principe rassembleur. Je propose qu’on renoue avec l’esprit de l’islam et de trouver des solutions au service de l’humain avant tout et de s’accommoder avec les valeurs de la République et les lois du pays où l’on vit. En fait cet ouvrage trace bien le chemin d’une réconciliation entre les musulmans pour un islam compatible avec la République. Comme un modèle d’intégration républicaine avec des valeurs françaises et la foi musulmane où la laïcité joue un rôle majeur. Un ouvrage de 3 grandes parties composées de 12 chapitres de 347 pages qui appelle particulièrement les musulmans au discernement  pour qu’ils soient fidèles à un principe sacré de leur religion : la paix.

Entretien réalisé  par JACKY NAIDJA

Auteur d’une dizaine de livres sur l’islam, dont le dernier publié chez Plon (mai 2019) « l’appel à la réconciliation ». il vient marquer un net tournant dans sa pensée en raison de son engagement public en faveur d’un islam moderne où il trace le chemin d’une intégration de l’islam dans la société française et aux valeurs de la République. Théologien incontournable, il prêche la discrétion, voire la pudeur et appelle les musulmans au discernement pour un islam de tous les possibles.

Tarek Oubrou « grand Imam et recteur de la Mosquée de Bordeaux »

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