Crise économique: Les Tunisiens ont boudé les Urnes

Crise économique: Les Tunisiens ont boudé les Urnes

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Mohamed Ghannem ancien Député au parlement Tunisien

Propos recueillis par Hassina H.Sahraoui

Après les dernières élections législatives en Tunisie, le Magazine Salama à la rencontre du professeur Mohamed Ghannem, pour recueillir ses impressions sur la situation en Tunisie. Mohamed Ghannem Spécialiste en cardiologie et pathologie cardio-vasculaire à la faculté de médecine de Lariboisière en 1989. Assistant des hôpitaux de 1990 à 1994. Reçu au Concours de praticien hospitalier en 1995. Professeur chercheur associé Université Jules Verne en France et Faculté de Médecine de Sousse en Tunisie depuis 2013. Enseignant au Diplôme Inter Universitaire francophone de Prévention-Réadaptation Cardiologie du Sport. Titulaire de 6 Diplômes Universitaires de spécialités c de cardiologie interventionnelle, d’échodoppler cardiaque, d’hémodynamique non invasif, de cardiologie pédiatrique, de cardiologie de sport et de prévention et de Réadaptation Cardiovasculaire. Chef de service de cardiologie au centre de Prévention, Réadaptation Cardiaque  » hôpital Léopold Bellan » de 2001-2021 puis Chef de l’unité de Cardiologie Interventionnelle au Centre Hospitalier de Gonesse depuis 1995.Membre de plusieurs sociétés scientifiques.

Mohamed Ghannem Professeur de cardiologie interventionnel à l’hôpital Île de France

SALAMA : Environ 90 % des électeurs ont boudé les élections législatives, pensez-vous c’est un fiasco ?

Mohamed Ghannem : Oui, je ne pense pas que le Président de la République soit content de ce résultat. En tout cas c’est un signal fort envoyé par les tunisiens à leurs politiques en général, et au projet politique du Président de la République en particulier, ils ne se sentent pas concernés par ce projet purement politique, leur préoccupation est avant tout socioéconomique, la crise économique est à l’origine de la révolution du 14 juillet 2011 et du mouvement citoyen du 25 juillet 2021, or cette crise économique, elle s’aggrave de jour en jour, avec une inflation galopante et un manque des produits de premières nécessité… je pense que sans projet économique il sera difficile de faire revenir les tunisiens aux urnes

SALAMA : La coalition Front de salut national estime que Kaïs Saïed a perdu toute légitimité après la très faible participation (8,8 %) au premier tour des élections législatives, êtes-vous d’accord ?

M.G : La légitimité est électorale, or il reste encore élu jusqu’en 2024, malgré cela sa popularité est ternie par un taux de participation aussi bas, je pense qu’il faut qu’il prouve qu’il est encore populaire par des élections présidentielles prématurées. Il dit lui-même que le citoyen peut retirer à tout moment sa confiance d’un élu, qui nous dit qu’un nombre de ses électeurs ne lui ont pas retiré leurs confiances ? Les élections sont les seuls moyens de répondre à cette question.

SALAMA : Votre parcours socioprofessionnel est impressionnant aussi bien en France qu’’en Tunisie. Votre CV est riche, tout y est, la réussite professionnelle et familiale, l’engagement politique pour l’intérêt général et sans contrepartie, la reconnaissance de vos pairs, la reconnaissance des citoyens et même celle de la République, les activités associatives et humanitaires… Vous avez fait énormément pour la Tunisie (beaucoup plus que Kais avant son élection), vous avez formé des médecins, vous avez équipé des hôpitaux, vous avez mené des caravanes sanitaires, vous avez aidé des nécessiteux, vous étiez même député des tunisiens de l’étranger à l’ARP de 2014 à 2019…Comment se fait-il que cette nouvelle constitution et cette nouvelle loi électorale vous interdisent de vous présenter aussi bien aux élections locales en Tunisie qu’aux élections présidentielles ?

M.G : Je rappelle d’abord que cela n’était pas le cas dans la constitution de 2014, la constitution de 2014 est rédigée par une Assemblée constituante élue et confirmée par un vote de presque la majorité des 217 Députés, elle n’est peut-être pas parfaite, mais elle reste perfectible. Alors que la nouvelle constitution est le produit de la réflexion d’une seule personne, le Président de la République.Une fois cette précision faite, je pense que restreindre les droits civiques des binationaux est une grave erreur, c’est une décision qui discrimine des générations de tunisiens de l’étranger, non seulement elle jette un doute sur le patriotisme des binationaux, mais elle va aussi priver la Tunisie d’une richesse inestimable, cette richesse est évidemment  économique (la 1ère source de devise en Tunisie vient des tunisiens de l’étranger), sociale et même politique. Actuellement les binationaux représentent plus de 50% des tunisiens de l’étranger, ce taux va augmenter de plus en plus au fil des années, et la perte va être de plus en plus colossale. Alors que nous essayons avec beaucoup de difficultés de rattacher nos enfants à la Tunisie, voilà que la plus haute institution de la République « la Constitution » les éloigne du pays de leurs parents, grands-parents…

SALAMA : Un Binational tunisien peut se présenter à n’importe quelle élection dans le pays où il réside y compris la présidentielle, mais il ne peut le faire chez lui, dans son pays natal, alors qu’il peut apporter un plus par ses compétences et son expérience comment se fait-il ?

M.G : Comme je viens de le dire c’est simplement aberrant, c’est une décision contreproductive, comme bien d’autres aussi bien dans la nouvelle constitution que dans la nouvelle loi électorale. Je dis tout cela en toute indépendance et en toute liberté, mon histoire prouve mon attachement et mon amour à la Tunisie.

SALAMA : Vue la très faible participation à ces dernières élections législatives, pensez-vous que le président actuel va continuer à présider le pays sans se préoccuper de la colère des tunisiens ?

M.G : Non, je pense qu’il doit écouter le message, les tunisiens ont besoin d’union, de débat national sans exclusion, pour trouver ensemble une solution à la crise économique, il nous faut des projets socioéconomiques, il nous faut travailler et reprendre confiance en nous. Nous sommes capables de nous en sortir, nous avons les moyens et les compétences pour, il suffit d’avoir le courage politique de les mettre en œuvre et la bonne gouvernance.

SALAMA : Une dernière question, pourquoi cet attachement à la Tunisie, alors que vous vivez en France, et on peut dire que vous avez tout en France.

Bien évidemment, la France est aussi mon pays, mais mon attachement à la Tunisie mon pays d’origine est viscéral, ne pas oublier ses origines fait partie de la réussite.Merci de me donner l’occasion de m’exprimer sur la situation politique et socioéconomique en Tunisie, les tunisiens de l’étranger représentent plus de 10% de la population tunisienne, et malgré qu’ils sont préoccupés par la difficile situation de leur pays, qu’ils sont discriminés par la nouvelle constitution et la nouvelle loi électorale, ils sont rarement invités par les médias aussi bien en France qu’en Tunisie.

HHS

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