Depuis le début de l’année, plus de 710 000 migrants sont entrés dans l’Union européenne. Pour être plus précis, ce sont des migrants et des réfugiés, car la majorité des personnes qui arrivent actuellement fuient des pays en guerre, notamment la Syrie, mais également l’Irak et l’Érythrée.
Rappelons qu’un réfugié est quelqu’un qui fuit son pays pour chercher une protection, et non pas pour chercher une vie meilleure ou pour des raisons économiques ; ce sont donc des migrants, mais surtout, pour beaucoup, des réfugiés qui arrivent en Europe. Non des coureurs de fortune qui rêvent d’un avenir meilleur mais des familles qui fuient la misère et la guerre. Quelle est l’ampleur de cette migration, qui est sans conteste la plus grande migration à laquelle est confrontée l’Europe depuis un siècle ? On estime à 350 000 les demandeurs d’asile qui sont passés par la Turquie pour arriver en Europe. La Turquie accueille actuellement autour de 2 millions de réfugiés syriens. À titre de comparaison, c’est comme si la France devait accueillir 1,7 million de ses voisins. Et la Turquie n’est pas seule à accueillir des migrants. Au Liban, c’est 1,2 million de réfugiés qui sont arrivés pour une population de 4 millions de personnes. Toujours à titre de comparaison : c’est comme si la France accueillait 25 millions de migrants. Enfin, ce sont 700 000 migrants qui sont arrivés en Jordanie. Il est urgent d’aider ces pays, car aux implications sociales de tels flux migratoires s’ajoute la déstabilisation des économies locales. Dans tous ces pays, la majorité des réfugiés ne vivent pas dans les camps, mais sont actuellement dans les villes. En Turquie, seul 300 mille des 2 millions de réfugiés sont dans des camps. Face aux faibles moyens dont disposent localement les ONG, il est important que ces réfugiés puissent avoir accès à l’emploi pour subvenir à leurs propres besoins. Actuellement, 70% des réfugiés des pays cités vivent en dessous du seuil de pauvreté. Inter inter Il faut aussi permettre aux réfugiés syriens de venir en Europe par des voies légales, cela afin d’éviter qu’ils aient à risquer leur vie en prenant des embarcations de fortunes. Rappelons qu’il y a eu plus de 3 000 morts par naufrage en Méditerranée depuis le début de l’année. Aussi, nous proposons la mise en place de visas humanitaires avec des programmes humanitaires adaptés, pour préserver la vie et la dignité des réfugiés. Arrivés en Europe, il paraît nécessaire de mettre en place des solutions pour ces réfugiés qui ont besoin d’une protection, mais aussi d’identifier les personnes qui ne sont pas des réfugiés pour leur proposer d’autres solutions. Nous avons aujourd’hui une Europe divisée sur l’accueil qu’il faut leur faire. Une partie de l’Europe centrale se refuse à assumer le rôle de l’Europe dans leur accueil. Ainsi, le gouvernement de Budapest vient d’annoncer l’achèvement de la clôture de barbelés à la frontière entre la Hongrie et la Croatie. C’est l’Allemagne qui aujourd’hui se porte au-devant du problème et prend une certaine responsabilité du fait de son histoire, mais aussi de sa force économique. L’Allemagne s’est engagée à accueillir 1 million de réfugiés cette année. Par ses choix politiques et moraux, il faut bien reconnaitre que la chancelière allemande Angela Merkel est dans une situation difficile. Son parti, la CDU, commence à la contester, une partie de sa coalition tangue, et on constate une remontée en force des nationalismes en Allemagne. La France, pour sa part, s’est engagée à prendre 30 000 réfugiés. À ce jour, peu sont arrivés en France. En effet la majorité des réfugiés arrivés en Europe choisissent plutôt d’aller vers Allemagne, la Suède ou l’Angleterre. Ils préfèrent se rendre dans les pays d’Europe où les marchés de l’emploi et l’économie se portent mieux que dans une France gangrénée par le chômage. Voilà qui devrait tordre le cou à l’idée selon laquelle les migrants viennent pour profiter du système. Les réfugiés souhaitent juste vivre en paix et du fruit de leur travail, comme tout le monde.
Quelle solution à cette crise ? Cette crise migratoire, c’est aussi et d’abord une crise de l’Europe qui souffre, ces dernières années, de l’absence totale de politiques d’envergure. Il y a bien eu un certain nombre d’annonces faites autour de la politique européenne de voisinage, notamment en 2011 dans la continuité du processus de Barcelone, mais elles sont restées lettre morte. Il y a fort à parier que ces mouvements migratoires vont continuer, à mesure que la violence s’étend au Machrek. Aujourd’hui, il faut aller au-delà de l’émotion, pour articuler au niveau européen une réponse qui puisse dépasser ce à quoi l’on assiste actuellement en termes de réflexes identitaires, d’essor des populismes et de la remontée des extrêmes de tout type. Il faut une réponse construite et articulée, parce qu’il en va aussi de notre projet européen, qui lui aussi est en crise. Concernant ces exodes des réfugiés, la solution passera par les acteurs locaux et l’Europe. Inter inter inter inter inter es Le monde d’aujourd’hui est interculturel, interconnecté et interdépendant. Cela implique donc des politiques coordonnées, y compris avec les régions impliquées dans ces conflits et leurs autorités locales ou ce qu’il en reste. Cette crise est aussi l’occasion de réfléchir d’une manière plus globale aux flux migratoires et aux défis qui nous attendent demain. Du 30 novembre au 11 décembre 2015 va se tenir à Paris la COP21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. La crise des migrants que nous vivons n’est probablement rien comparée à la migration climatique qui devrait se chiffrer en dizaine de millions de migrants. On parle très peu des réfugiés climatiques sauf quand un ouragan ou un raz de marée vient faire quelques dizaine de milliers de morts. Une raison à cela : il n’existe aucune mention de « réfugié climatique » dans la convention de Genève ; donc pas de définition claire ni de statistiques précises. Nous proposons donc qu’au-delà des initiatives régionales, comme l’Initiative Nansen que nous saluons, l’on mette en place un statut de réfugié climatique. Car ici, comme pour ce qui arrive en Europe avec les migrants du Machrek, nos politiques ne prennent pas toujours la mesure des enjeux et n’anticipent pas assez les décisions à prendre. n
Laurent Schwartz
Président de la Plate-forme Migrants et Citoyenneté européenne
www.pmc-europe.info