Grandiose ! Une (des) marche(s) sans pareille(s) ! Le pays – tout le pays – a, durant le 53ème vendredi du mouvement citoyen, pris les couleurs d’un arc-en-ciel, de mille arcs-en-ciel. Et tous les Algériens ont exprimé leur fierté quant à cet « enfant » qui a grandi, qu’il ont vu, vendredi après vendredi, grandir… Mais ils ont aussi exprimé leur détermination à poursuivre le combat jusqu’à « changement total du système ».

Aux quatre coins du pays, l’on a chanté et l’on a dansé. Et ce bonheur, qui se lit, non pas uniquement dans les gestes, dans les mouvements de danse, dans les cris de joie…, mais aussi dans le fond des yeux, ainsi que sur des sourires béats, était partout perceptible. Alger, Oran, Constantine, Tizi-Ouzou… Toutes les villes, petites et grandes, de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud, ont participé à donner à ce jour une dimension qui dépasse de loin le « politique ». Aussi le « protocolaire ».

On n’est pas là pour fêter !
Les Algériens, toutes tranches d’âge confondues, ont sillonné les rues en reprenant en chœur les slogans devenus tellement naturels que, parfois, il suffit que l’un des manifestants souffle le premier mot pour que la foule alentour se mette à entonner le reste. Comme des évidences. Comme le jour suit la nuit. Et des cris. D’espoir. D’impatience. Et des promesses. De ne pas céder à l’essoufflement. De ne pas lâcher prise… Bref, tout le pays s’est mis aux couleurs de la protestation des premiers jours du soulèvement. « Le Hirak est une énergie propre et renouvelable », a écrit un manifestant sur une pancarte.
Et dans ce climat de « fête visant la construction d’un pays », les manifestants ont prouvé une énième fois leur détermination. « Jusqu’au changement total du système », assure un habitué du mouvement avec un large sourire. Car, au final, ce n’est pas la « fête » à proprement parler que les manifestants ont (eu) en tête. Et ils ont tenu à l’expliquer durant tout le temps qu’ont duré les marches. « « Nous ne sommes pas venus faire la fête, nous sommes venus pour vous dégager », était le slogan le plus répété.
Maturité
« Maintenir la pression est plus que jamais à l’ordre du jour. Ils vont finir par céder », lancera un manifestant drapé de l’emblème national. Réglé comme une machine hautement sophistiquée et merveilleusement bien huilée, le Hirak a, bien évidement, repris ses thèmes et ses slogans habituels : « Koulna el issaba t’rouh » (nous avons dit que le clan cédera le pouvoir) ; « Ya Ali, ouladek mahoum’che habsine, ala el hourrya mâawline » (Ali (Ali la Pointe, ndlr), tes enfants ne vont pas s’arrêter, la liberté est leur ultime but) ; « dawla madania, machi askaria » (un État civil, non militaire)…
Le Hirak n’allait, bien évidemment, pas, sous prétexte de la joie, oublier les détenus. Les manifestants ont brandi les portraits de ceux qui sont encore en prison à l’instar de Karim Tabou et de Fodil Boumala. « Nous allons continuer à demander la libération des détenus jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun dans leurs prisons ». C’est dire à quel point le Hirak, après une année, a gagné en maturité ! D’ailleurs, « silmiya » demeurera l’un de ses principes inébranlables et – aussi – l’un des slogans que les manifestants ont répété en boucle.
H. F.
