Marianne n’a jamais été aussi belle… recouverte de couleurs qui lui vont si bien, majestueuse statue de bronze, symbole de la liberté, fraternité et égalité, recouverte de centaines de drapeaux verts et blancs, frappés du croissant et de l’étoile rouges, du haut de son piédestal, elle semble si fière d’afficher ses plus beaux atours.
Aussitôt l’annonce de la candidature à un 5ème mandat, Les algériens de France sans aucune hésitation, par milliers sont sortis crier leur colère scandant des slogans hostiles au président sortant et au pouvoir. Depuis le mois de février, chaque dimanche ils investissent la place de la république à Paris, dans des rassemblements qui se veulent pacifiques, à l’image des manifestations qui rassemblent des millions de leurs compatriotes à Alger ainsi que dans les villes de toutes les régions du pays. « Selmya… selmya ! » (qui signifie Pacifique) un slogan qui a fait le tour de la planète, repris sur toutes chaines de tv et radio du monde entier.
La Place de la république est devenue le lieu de rendez-vous incontournable pour les milliers de drapeaux de toutes tailles brandis à bout de bras, écharpes, casquettes tenues vestimentaires (survêtements, tee-shirts, robes, foulards, blousons… ) à l’effigie du drapeau, de tous les côtés de la place on peut entendre la foule chanter avec ferveur l’hymne national « Kassaman ». L’émotion très présente se lit sur les visages, vieux, jeunes, enfants, tous les départements de la région de l’ile de France sont représentés. On entendrait presque les coeurs vibrer, transportée par une foi inébranlable de la certitude de sa légitimité, la population algérienne de France, déterminée comme jamais, à aller jusqu’au bout de son combat pacifique, pour la liberté de choisir ses dirigeants, et vivre dans un pays ou le mot liberté prendra tout son sens.
Tous parlent de déception, du manque de confiance à l’égard du pouvoir encore en place. Ils ont tous des anecdotes à raconter… des histoires de bakchich, de passe-droit, de « hogra » … soulagement et délivrance c’est l’impression que donnent toutes ces personnes qui s’expriment comme jamais auparavant… Ces rassemblements sont en quelque sorte, un exutoire pour se débarrasser de nombreuses années de frustration accumulée. Les langues se délient, de plus en plus de gens osent dire tout haut ce qu’ils ont longtemps pensé, tout bas. Ils aspirent tous à un changement total du système, les pancartes affichent la couleur « système dégage » on a pu voir réapparaître certains slogans écrits à la va vite sur les murs d’Alger durant la guerre d’Algérie tel que « un seul héros le peuple ».

Humour et dérision sont depuis longtemps l’arme des algériens, ils ont compris que c’est la clé pour ne pas sombrer dans le piège et l’engrenage de la violence. Ne dit-on pas que la meilleure des thérapie est l’humour ? et c’est exactement ce qui a sauvé ce peuple. Des générations qui avaient pour unique fantasme: traverser la mer pour trouver cette bouffée d’oxygène qui leur manque tant… Chômage et désespoir, chaque jour ressemblant à un autre, quand ils se retrouvent entre amis de quartier, ils parlent du dernier qui a pu atteindre « l’autre côté » de la rive… Certains qui ont eu la chance d’arriver « à bon port » sans faire le festin des poissons, ceux qu’on appelle péjorativement, les « harragas » sont là place de la République, ils disent pour la plupart, avoir pour dessein de retourner en Algérie, si le pouvoir « dégage » et laisse place à des gens intègres. Ils disent ressentir un soulagement depuis le début des rassemblements en Algérie, ils sont en contact permanent avec leurs proches, ils jurent ne pas rester une seconde de plus ici, si le changement tant espérer voit le jour.Certains larmes aux yeux, évoquent « leur Algérie » comme on parle de sa mère… Une jeunesse courageuse, fière, dotée d’un esprit vif comme l’éclair, motivée, dont certains hélas, contraints à survivre de petits trafics… quel gâchis !
Des petits groupes d’hommes, discussions animées, mais sereines… les plus âgés racontent aux plus jeunes, le France qu’ils ont rejoint après la guerre, eux-mêmes sont encore étonnés de ce choix, qui n’en est pas vraiment un. Ils expliquent avec dates à l’appui, la mobilisation des algériens autour du FLN de France, les manifestations, les placements dans les centres de rétention (déjà) à Vincennes entre autres, et leurs amis jetés dans la seine. Le ton dur et amer, ils parlent de trahison, leurs projets de vivre dans une Algérie libre et démocratique comme il leur avait été promis, n’a jamais vu le jour… des rêves fondus comme neige au soleil, vies brisées… ils sont arrières grands-parents, ils parlent « d’amis de combats partis trop tôt, trop jeunes, l’indépendance venue, et les familles qui ont longtemps pleuré leurs fils, leurs frères, leurs maris, leurs pères… et d’autres entre temps occupés à faire des calculs ». Ils estiment injuste le fait qu’un pays qui possède autant de richesse naturelles, soit dans l’incapacité de donner du travail à ses citoyens… Et de surcroit, ces derniers doivent quémander un titre de séjour dans les pays européens, un exil rarement souhaité. Tous expriment un ressentiment avéré à l’égard des gens au pouvoir.
En famille ils sont venus montrer leur soutien à la mobilisation en Algérie. La diaspora algérienne s’est rassemblée comme jamais, à l’unisson des manifestations en Algérie, ils scandent les mêmes slogans… unis comme jamais, une mobilisation sans précédent, réunissant les citoyens des quatre coins du pays, toutes diversités culturelles présentes, côte à côte ils marchent et regardent dans une même direction. Un fait qui surprend les médias du monde entier. Ici à Paris, ils sont natifs de l’est de l’ouest, du sud et du nord de l’Algérie, ils ont tous le même rêve…
Chaque dimanche les youyous des femmes algériennes font vibrer la place de la République.
Les femmes algériennes sont toutes des « Mariannes » elles ont contribué à la libération du pays… elles ont porté dans leurs ventres les héros de 54/62. On leur avait promis un traitement égal à leurs frères, en retour d’un dévouement sans limite… Le code de la famille (infamie) fut la grande surprise, l’adage: « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » appliqué à la lettre !
Parmi les nombreuses revendications, nous pouvons remarquer que la place des femmes est un tantinet absente… Elles sont pourtant très nombreuses, tous âges confondus, chaque vendredi à marcher dans les villes du pays. L’abrogation de ce fameux code, ne semble pas (encore) être à l’ordre du jour… Les erreurs du passé doivent servir de leçon, les algériennes de notre époque, ne sont plus des mineures à vie, comme leur rappelle (encore) ce code humiliant.
Vanessa Nacira Menadi