Interview: Issad Rebrab sort ses griffes

Interview: Issad Rebrab sort ses griffes

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Le patron du groupe Cevital, Issad Rebrab, monte au créneau suite à la volonté du ministère de la Communication algérien d’annuler le rachat du groupe de presse El Khabar que l’homme d’affaires a acquis.

  • SALAMA: Vous menez une bataille juridique contre le ministère de la Communication qui vous accuse notamment de ne pas respecter les dispositions du Code de, l’information. Que répondez-vous à ces accusations ?

Issad Rebrab: Nous avons respecté scrupuleusement la loi et nous n’avons absolument aucun problème. L’acte d’acquisition d’une partie des actions du groupe El khabar a été établi, enregistré et publié. S’il y avait eu un problème, le notaire n’aurait pas procédé à la transaction. Mes juristes, avocats et moi-même avons étudié les articles 17 et 25 du Code de l’information que le ministre de la Communication avait mentionnés lors de ses sorties médiatiques. Tous les juristes que nous avons consultés nous ont assurés qu’il n’y aurait aucun problème. Ce que, nous, nous redoutons, en revanche, c’est le contournement et la non-application de la loi. Déjà, par le passé, les lois de la République ont été bafouées. À titre d’exemple, l’article 25, qui stipule qu’une personne morale n’a pas le droit de posséder deux titres, n’est appliqué qu’à des personnes honnies par le pouvoir. Il faut savoir que le journal Liberté qui appartient à la Saeec n’a aucun lien juridique avec Cevital et que la filiale Nesprod qui a acquis une partie du groupe El Khabar est une autre personne morale. Pour ce qui est de l’article 17 qui stipule « que si un titre change de propriétaire ce dernier doit reformuler une demande d’agrément » , il faut savoir que le titre El Khabar appartient toujours au groupe El Khabar et Nesprod n’a fait qu’acheter qu’une partie des actions. Le gros problème de monsieur Hamid Grine (ministre de la Communication, NDLR) est qu’il personnalise cette affaire étant donné que je suis actionnaire de Cevital et actionnaire majoritaire de la Saeec.

  • SALAMA: Beaucoup de gens dans la haute sphère politique disent que vous avez fait cette transaction en catimini. Est-ce vrai ?

I.R. : Non absolument pas, ce sont des menteurs. Monsieur Grine était au courant. D’ailleurs, un de mes amis intimes m’a rapporté une discussion qu’il a eue avec Hamid Grine. Quand cet ami lui a annoncé que nous étions sur le point de faire cette transaction, Monsieur Grine lui a répondu : « Cela m’est égal. » Ce n’est qu’un mois après que l’acquisition s’est faite et après que l’acte a été publié que le gouvernement a décidé de se manifester. Nous n’avons pas agi en catimini, les négociations pour la vente des actions ont duré plus d’un mois et, en définitive, les actionnaires ont choisi l’offre de Nesprod parce que les équipes du groupe savaient que la ligne éditoriale du journal ne serait pas changée. Le gouvernement à eu peur de ne pas pouvoir faire pression sur le journal comme il le fait si bien avec d’autres quotidiens en usant de la publicité.

grine

  • SALAMA: On dit que vous cherchez à devenir plus puissant et plus influent en voulant posséder un autre quotidien. Vous faites peur à un certain nombre de personnes. Cela nous laisse croire que toute cette polémique a un enjeu non pas juridique ou commercial mais politique…

I.R. : En effet, l’enjeu est politique : il y’a quelques jours, Hamid Grine reprochait à trois journaux d’être des quotidiens indépendants et incorruptibles. Certain journaux n’ont pas eu le choix et ont été obligés d’y aller dans le sens du poil. Il se trouve que certains journaux arrivent à résister comme El Watan, Liberté, Le Quotidien d’Oran, El Khabar et Le Soir d’Algérie. Ces journaux gênent et refusent d’être muselés.

  • SALAMA: Certaines personnes pensent que vous avez des ambitions politiques, songez-vous a entamer une carrière politique ?

I.R. :J’aime beaucoup mon activité économique. À ce jour, l’idée de faire de la politique ne m’a pas traversé l’esprit, mais si ces gens-là ne me laissent pas tranquille je pourrais envisager une carrière politique.

 

  • SALAMA Pourquoi le ministère de la Communication a-t-il voulu annuler cette transaction alors qu’il aurait pu l’empêcher bien avant qu’elle ne soit conclue ?

 

I.R. : Hamid Grine a reçu des ordres de la part de ses supérieurs, car il ne voyait pas d’inconvénients. Même monsieur Ouyahia (ex-chef du gouvernement, NDLR) avait annoncé qu’un lobby voulait avoir le monopole des médias.

 

  • SALAMA Vous avez accusé, à plusieurs reprises, le système politique de vous mettre des bâtons dans les roues concernant votre activité économique…

 

I.R. : Oui, en effet, j’y suis habitué. On a toujours voulu me mettre des bâtons dans les roues. Abdeslam Bouchouareb (homme politique, député et ministre algérien, ancien dirigeant d’entreprise, NDLR) a tout fait pour me nuire. Avant lui, le système a toujours voulu nous nuire alors qu’on contribue à la création d’emplois et à la création de richesses dans le pays. Ces gens ne veulent pas de personnes honnêtes et intègres.

 

  • SALAMA Faites-vous confiancenà la justice algérienne ?

I.R. : J’espère que la justice ne sera pas bafouée. Malheureusement, il y a eu des cas qui nous poussent à douter, car nous avons vu, par le passé, qu’un procureur et qu’un ancien ministre ont été éjectés de leur poste parce qu’ils voulaient appliquer la loi. Quand on voit aussi que cette justice n’a pas réagi, suite au scandale international dont monsieur le ministre Abdeslam Bouchouareb a été l’objet, je suis en droit de me poser des questions. Vous rendez-vous compte : un ministre qui crée une société au Panama durant son mandat et qui transfère 700 000 euros d’une société au Luxembourg pour alimenter son compte n’est pas du tout inquiété !

  • SALAMA Qu’avez-vous envie de dire à tous ces journalistes d’El Khabar, des journalistes inquiets pour leur avenir, et jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour les soutenir ?

I.R. : Nous n’abonderons jamais ces personnes. Nous allons continuer à nous battre avec eux. On va se battre jusqu’au bout. Je veux rappeler que l’affaire El Khabar n’est pas qu’une affaire commerciale ou politique, c’est une affaire qui touche toute la démocratie dans notre cher pays. C’est une affaire qui touche tout le peuple, car on ne peut pas parler d’un État démocratique sans liberté sd’expression.

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