« La première victime de la guerre, c’est la vérité », disait le poète et romancier britannique, Rudyard Kipling. Cette sentence trouve toute sa signification dans l’imbroglio syrien. Depuis plus de quatre ans, l’opinion occidentale, et accessoirement arabe, est travaillée au corps par des médias et des analystes béni-oui-oui. Près de 300 000 morts, nous ressasse-t-on. Le responsable ? Les forces du régime de Bachar el-Assad, pardi ! Dans cette offensive, on a presque réussi à « laver » plus blanc que neige les hordes terroristes qui pratiquent la politique de la terre brulée où elles passent. Et quand les Russes font leur entrée sur le champ de bataille, les États-Unis et leurs acolytes sont furieux. Notamment des cibles que Moscou s’est données (État islamique, Daech, armée syrienne libre ou Al Nosra, la franchise syrienne d’Al Qaïda).
En outre, contrairement à Washington, la stratégie de Moscou a l’avantage de la simplicité et de la cohérence : soutenir le camp du président Assad contre ses ennemis qui « veulent » couper en deux la « Syrie utile ». Preuve de la volonté des russes à inverser la tendance ? Ils ont effectué au cours des sept premiers jours de leur offensive (30 septembre-7 octobre) plus d’une centaine de bombardements, notamment du côté de Palmyre, contre une cinquantaine en moyenne par semaine depuis une année pour la coalition menée par les États-Unis. Et pour corser la recette, l’armée syrienne, revigorée par les bombardements de l’aviation et de la marine russe, reprend pied chez elle.
Une question se pose : les Occidentaux ont-ils réellement envie d’éradiquer » Daech et Al Qaïda ? Quand on écoute les réactions de l’Otan, on réalise que celle-ci se lamente surtout pour les « groupes d’opposition » modérés. Comme pour rassurer tout le monde, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, annonce que son organisation est prête à défendre ses alliés, y compris la Turquie. De qui ? Des Russes, qui pourront retrouver leur statut de grande puissance après cette guerre, mettre en pièces le « machin » de Daech monté de toutes pièces pour exacerber les conflits confessionnels et ethniques dans la région. Maintenant, si à Bruxelles et à Washington on estime que la raison du plus fort est toujours la meilleure, nous pouvons craindre le pire. Le jeu des alliances et les affrontements de deux camps pourraient déboucher sur une déflagration générale.
En 1914, la Première Guerre mondiale a débuté un 28 juin par l’assassinat, à Sarajevo, de l’archiduc d’Autriche. « Quand vous voyez que ce conflit, qui était une guerre civile, devient une guerre régionale avec implication de puissances internationales, les risques sont graves. Et le risque le plus effrayant, c’est le risque que le conflit soit totalement religieux […] avec, d’un côté, les populations sunnites et leurs alliés, de l’autre, les populations chiites et leurs alliés. C’est une conflagration qui risque d’être extrêmement dangereuse », prévient Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, sur les ondes d’Europe 1. Un risque que les Américains entendent contourner en demandant, entre autres, l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie.
Hassina H. Sahraoui