Après avoir exposé en juin dernier à l’Institut Français de Constantine, l’artiste peintre Aya Bennaceur reconduit, cette fois-ci, sa remarquable exposition de peinture « Peau inversée », au niveau de l’Institut Français d’Alger.
En effet, une exposition qui a commencé à l’institut Français d’Alger le 10 septembre 2022 jusqu’au 8 octobre prochain, l’artiste peintre Aya Bennaceur expose une série d’œuvres impressionnantes. Dés le seuil, le visiteur est quelque peu ébranlé par cette exposition hyperréaliste aux frontières du réel. C’est un fait. La peinture d’Aya Bennaceur est déroutante. Elle s’inspire du corps humain, lequel est littéralement fragmenté. L’exposition « Peau inversée » se décline sous la forme d’un étrange parcours dans un univers sombre ou surgissent de curieux personnages désarticulés et confus à la fois. Bien que parfois morbides, ces corps déboités, dévoilent une beauté, oserons-nous dire, intrigante. Ces travaux anatomiques ont cette force de combiner des poses étudiées sous plusieurs angles en clair-obscur avec un éclairage adapté à chaque situation, rehaussé d’une touche très contemporaine. Cette autodidacte au talent avéré, est convaincue que « le corps humain, les positions peuvent dévoiler tout, on peut lire les profondeurs de l’âme à partir du corps » éclaire telle.

L’artiste présente une vingtaine d’œuvres chaotiques, traduisant toute une philosophie de la vie, sa philosophie de la vie.Les œuvres en question se targuent de générer une sensation d’étrangeté mais porteuses d’un sens certain. L’illusion est parfaite et l’effet garanti. Après un instant de frustration, le regard commence à apprivoiser et à percer le mystère de ces âmes tourmentées. Ici on découvre un corps disloqué. Là, on aperçoit des vertèbres interalliées, soutenant une colonne vertébrale. Un peu plus, on observe une tête de femme aux lèvres tracés d’un rouge à lèvres et au cerveau, truffé d’une multitude de sacs embryonnaires. Ces derniers comportent des visages de différentes formes, reliés tous par un cordon ombilical. A la question de savoir comment notre jeune artiste peintre définit sa peinture, elle estime que « sa peinture découle de sentiments figés et coincés sur une toile ».

Aya Bennaceur est née en 1997, à Ain Yagout, un petit villageprès de la ville de Batna en Algérie. Après avoir décroché un bac technique, suivi d’une licence en littérature française à l’ENS de Constantine, elle est aujourd’hui, professeur de français au lycée. En 2019, elle ressent le besoin de s’adonner aux arts plastiques, plus précisément à la peinture. Cet autodidacte s’aperçoit très vite qu’elle est détentrice d’un talent qui, demande, à être aiguisé davantage. Elle commence par le dessin dans sa chambre à Aïn Yagout, conseillés en cela par sa sœur qui est, elle aussi dessinatrice. Aya se plait alors à dessiner quelques personnages de livres qu’elle a eu à apprécier au cours de ses lectures, tels que Akaki Akakievitch dans la nouvelle Le manteau de Nicolas Gogol, et les esclaves dans le roman « La Case de l’oncleTom » de l’écrivaine américaine Harriett Beecher Stowe. Plus tard, elle s’est attaquée aux portraits de certains auteurs qui l’ont marqué et fasciné à la fois, à l’image de Michel Foucault, Franz Kafka ou encore Vladimir Lénine. Au fil du temps et de la maitrise, elle finit par imposer son propre style artistique.

Elle confie qu’elle a toujours eu un penchant pour le dessin. C’est parce qu’elle n’arrivait pas à exprimer son ressenti à travers la plume, qu’elle a choisi l’univers du dessin en 2019. « Tout ce qui est philosophie a largement contribué à façonner ma vision du monde. Mon art appartient au surréalisme figuratif » explique telle. Aya Bennacer avoue, également, qu’elle a longtemps retardé l’échéance de donner vie à ces sujets. « Les créatures se faisaient de plus en plus nombreuses, elles s’agitaient dans ma tête, fouillaient dans mes souvenirs, parlaient, commentaient, jugeaient, elles vivaient en moi, dans ma pauvre tête… Et je ne voulais pas qu’elles y meurent. Alors, j’ai un jour décidé de les libérer, de me libérer ». Ayant plus d’une corde à son arc, en plus d’être artiste peintre, Aya Bennacer est également musicienne, chanteuse, sculptrice et conceptrice de bijoux. En somme la peinture d’Aya Bennaceur est, certes, porteuse d’un message mais elle est également vectrice d’une vision du monde, d’une vision de soi.

L’artiste Aya Bennaceur expose à l’Institut Français d’Algérie à Alger