L’union entre l’économie bleue et l’économie de la connaissance, c’est le défi que ce sont donné Gunter Pauli et Idriss Aberkane lorsqu’ils ont lancé la tournée SuperFrance, série de conférences et d’ateliers à la rencontre de jeunes entrepreneurs aux idéaux écolo.
Parti le 20 juillet de Laval en Mayenne, la tournée SuperFrance annonce d’emblée ses intentions : avec ce lancement dans une ville de cinquante mille habitants, ce n’est pas un public à grande échelle que Gunter Pauli et Idriss Aberkane cherchent à atteindre, mais les acteurs locaux de la France de demain. Centrée sur l’économie bleue dont Gunter Pauli est le fondateur, SuperFrance a ainsi visité ces deux dernières semaines onze villes de France avant de s’arrêter à Genève. À chaque étape, des ateliers de réflexion se succèdent. Le matin, Idriss et Gunter viennent à la rencontre des élus locaux, avant de déjeuner aux côtés des entrepreneurs et investisseurs de la région. Le but est de présenter à ces entités le principe de « croissance Paulienne » : il s’agit d’un modèle fondé sur l’économie circulaire et le biomimétisme, dont le but n’est pas la simple réduction de la pollution mais la revalorisation totale des déchets. Sont ainsi mis en contact différents éléments du monde entrepreneurial d’une même région, d’apparence incompatibles mais qui se révèlent potentiellement produire à perte pour l’un ce que l’autre se ferait un plaisir de consommer. L’idéal étant de former une économie à l’image d’un écosystème à hauteur locale. Par la suite, les jeunes et les néophytes de l’écologie appliquée discutent de leur projets et bénéficient des conseils de Idriss Aberkane, auteur du livre à succès Libérez votre cerveau! et de L’âge de la connaissance, et de Gunter Pauli, entrepreneur pionnier de l’écologie et économiste à l’origine de la fondation ZERI (Zero Emission Research and Initiative, recherche et initiatives pour zéro émission polluante).
Et si l’on ne pourra pas juger de l’efficacité de cette action avant longtemps on découvre, lors de la conférence « le réveil de la France » qui clôture chaque journée, les différents projets que l’économie bleue de Gunter Pauli a su inspirer. Par exemple si, en France, le café est prisé, la marc qu’il produit n’est que partiellement recyclé dans la fabrication de composte. Le but est alors de consommer le reste de ce déchet. ZERI a donc participé à l’implantation de champignonnières en France afin d’atteindre l’objectif d’une revalorisation totale: on produit un kilogramme de pleurote avec quatre kilogrammes de marc de café, on récolte le champignon pour l’alimentation et son mycélium pour la fabrication de matériaux biodégradables… et on crée de l’emploi. Mais là encore, il s’agit d’une démarche en progrès. Il faut également que ces manufactures n’agissent qu’à l’échelle locale afin de respecter les impératifs écologiques qui les motivent. Face à cette limitation, Idriss Aberkane propose une solution qui prend racine dans les fondements de l’économie de la connaissance: le développement du savoir n’est pas limité géographiquement. On pourrait ainsi, en application des principes prônés par SuperFrance, considérer la Méditerranée dans son ensemble. Ses nations, quelles qu’elles soient, sont immanquablement dotées d’une abondance d’eau salée et de sable. Loin d’être des déchets, leur consommation a néanmoins le potentiel de participer à la décroissance des émissions de CO2 produites par ces pays. On pourrait ainsi, en s’engageant dans le dessalement de l’eau de mer et en investissant les déserts, permettre l’autosuffisance alimentaire et réduire drastiquement la pollution produite par l’importation. De la même façon, si l’on était capable de transformer le sable des déserts – comme l’ont fait des chercheurs britanniques – afin qu’il soit utilisé dans la construction, on pourrait reconstruire les fonds marins creusés par la ponction de sédiments pour la fabrication du béton. Il s’agirait alors de stopper net le ravage des côtes à proximité de tels excavations. La recherche et le développement ouvrent des possibilités sans limites. Mais aucune de ces actions n’atteindra les idéaux représentés par SuperFrance si l’on ne s’engage pas à la consommation totale de nos déchets, et plus encore, si l’on ne parvient pas à réabsorber les déchets du passé.
Syrine Gouni