J’allais commencer mon texte avec des mots de colère contre ce « virusson » qui nous coronarise, nous tétanise, nous pulvérise.
C’est alors que mon regard tomba, sur ce livre de Claude Poujadoux : « Contes et légendes de la mythologie grecque », et sur ce passage d’une force rare, qui, dans des moments difficiles, me revenait en mémoire : « Quelques gouttes de sang de la blessure sur la terre, la fécondèrent. Elle donna naissance à des démons »
Je décidais alors de ne plus écrire sous le coup de cette colère qui me faisait dire des « conneries » comme con-fini pour confiné ! Nous sommes les acteurs impuissants de scènes écrites par d’autres virus « humains » ou par le « virusson ». Gouttes de sang, terre, blessure, fécondation, naissance, démons. La vie et la mort dans un décor cauchemardesque
Serait-ce une des explications de ce qui nous arrive avec les SidA, ÉbolA AttentAts, CoronA, comme si la lettre A qui « finissait » ces séismes du nouveau siècle, rappelait le grand Ah de la souffrance humaine et celui des mauvaises surprises ?
Ma colère première m’envahit à nouveau, celle de l’otage d’un ennemi invisible, terrifiant par sa force à la fois de tueur, et de catalyseur des questionnements sur nous-mêmes et sur le monde. Je n’étais pas une « con-finie » parce que confinée, mais le témoin impuissant de la blessure de la terre et de sa fécondation par le sang pour enfanter des démons.
Et pour confirmer cette évidence, je me suis souvenu de ce magnifique passage du livre « Maudits sauvages » de Bernard Clavel qui contait le génocide des indiens Wabamahigans. Génocide perpétré avec la plus parfaite des bonnes consciences. Paroles de souffrance et de prémonition du chef indien.
« Nous sommes vieux, et nous savons bien des choses. Nous avons vu ce que nos fils ne pourront jamais voir parce qu’ils n‘ont plus les mêmes yeux que nous. Nous avons écouté les bruits et le silence de la foret, jamais nos fils ne pourront les écouter, de la même manière, les machines leur ont changé les oreilles.
Les bruits et les silences de la forêt nous ont beaucoup enseigné. Ils nous ont donné des leçons que nous ne pouvons oublier, nous ne pouvons pas les transmettre car seule la foret détient le secret. Notre route a été longue mais nous n’avons rien perdu en chemin, de ce que les pères de nos pères nous ont enseigné. Nous sommes vieux et la vie en foret nous a révélé les vertus de la terre, ses richesses qu’elle nous prodigue et que les lois plus fortes que celles des hommes nous interdirent d’arracher »
La blessure de la terre ; c’était là le message de ce sage indien et je restai un moment pensive à propos de ce lien entre le passage d’un livre sur les mythes et celui de l’indien wabamahigan, sur la triste et monstrueuse réalité d’une Nature violée par l’Homme. Serions-nous alors les otages des effets de cette blessure de la terre ?
J’entendis alors, comme dans un rêve, les pas légers de notre petite Fatima Ezzahra, Fatima la fleur, notre petite-fille, âgée de deux ans, ailleurs que dans notre maison à cause du confinement. Un début de vie sur une terre blessée, j’ai eu mal pour notre Bébé, et j’eus alors un désir très fort de prendre notre petite fille dans mes bras pour nous rassurer, elle et moi. Mais le corona est passé par là qui nous oblige à nous éloigner le temps du confinement.
Blessure, sang, fécondation, démons.
Je cherchais des réponses : Sur une des chaines de Tv tunisienne, le cheikh religieux de la Tunisie, avait eu ces paroles de sagesse « Le corona n’est pas une colère de Dieu mais un message de sa part, écoutez le »
Tout comme ce défi de l’écrivain Bernard Veber : « et vous, à la place de Dieu comment referez vous l’histoire »
Les réponses seront pour l’après-corona même si le monde actuel nous a habitués aux neurasthénies et aux oublis
Et alors peut être les Fatima Ezzahra, les Fabiennes, les Esther, les Mamadou ou les Tiang, enfants du monde , seront-ils les « créateurs » d’une histoire ou l’Humain et non les « butins , seraient le cœur de ce beau conte, sans mythes et celui d’une belle légende à construire .
Fatima Ben Soltane. Tunis