Ferhat Ait Ali Braham, le ministre qui veut (tout) changer

Ferhat Ait Ali Braham, le ministre qui veut (tout) changer

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Dans un climat de suspicion imposé par le Hirak, Tebboune a choisi – illusion de « nouveauté » oblige – des ministres plutôt inconnus du grand public. Pas trop du FLN, pas trop du RND… et pas trop de « casseroles ». Mais parmi eux, un sur qui tous les projecteurs sont braqués : Ferhat Ait Ali. Il est connu du Hirak, de la presse et de tous les Algériens, et semble vouloir changer quelque chose…  

Avant même qu’il soit désigné à la tête d’un secteur des plus sensibles (l’industrie et les mines), Ferhat Ait Ali s’était fait un nom à travers des analyses qui, même quand on les partage pas, laissent bouche bée par leur profondeur et leurs complexité. Habitué des plateaux et des débats contradictoires et à l’aise dans les deux langues (l’arabe et le français), il sera le ministre qui donne le plus l’image d’un Gouvernement qui bouge, qui tente, qui, du moins, pense à travailler.

Nouvelle vision et remise en question de « constantes » économiques

C’est – osons l’expression – un vrai coup dans la fourmilière qu’il semble vouloir donner dans un secteur qui, depuis des décennies, bat de l’aile. Et cette situation, Ferhat Ait Ali en a tout à fait conscience, puisque, souvent chiffres à l’appui, il en dressera un tableau des plus noirs. Et ce qu’on n’est pas en droit de lui reprocher, c’est certainement d’avoir en tête d’apporter des solutions hâtives  et fragmentées aux problèmes où baigne l’industrie algérienne.

Il est venu, à croire ses propres déclarations, avec toute une vision basée « sur une politique d’investissement réel et rentable avec un maximum de productivité ». Le premier instrument de la concrétisation de cette vision ? « La révision des textes législatifs et réglementaires régissant l’investissement local et étranger », dira-t-il.

Et des points qu’il compte bien revoir en profondeur, on dénombre de ceux qui s’apparentaient, jusqu’à une date très récente, à des constantes économiques nationale, à l’instar de « la fameuse règle des 51/49 régissant l’investissement étranger en Algérie » et « le droit de préemption de l’Etat ». « Ce sont là les principaux obstacles aux investissements étrangers », assure Ferhat Ait Ali.

Des mesures qui vont sûrement déranger

Conscient du préalable du changement des mentalités, Ferhat Ait Ali semble décidé à imposer sa vision de l’industrie. « Elle (l’industrie) n’est pas faite uniquement pour créer de l’emploi, mais aussi pour créer de la valeur ajoutée », répond-il aux « patrons » qui font appel à des arguments de gauche pour défendre leurs affaires. Et les premières mesures qui urgent sont, ça va de soi, celles qui concernent le montage automobile. Le ministre mettra l’accent sur la nécessité de revoir toute la législation régissant cette activité. « Toute cette industrie, y compris ceux qui assemblent les engins (…), ne faisaient qu’importer tous les composants du produit final qui arrivent déjà assemblés. Des fois même emballés », a-t-il déclaré. C’est dire que du « pain bénit » sera enlevé de bien des bouches !

Même chose pour les « industries » électroménagère et électronique. « J’ai vu la liste récemment. On a quelque 108 entreprises de montage qui se font appelés “de production” », a déclaré le ministre qui était, le 18/02/2020, l’invité du forum El Moudjahid. « On est arrivé, déplore-t-il encore, à une situation où des marques n’ont qu’un petit hangar ou une petite villa avec un logo ! ». Mais là n’est pas le problème. « Elles peuvent continuer à exister, mais sans les avantages douaniers et fiscaux », dira Ferhat Ait Ali qui semble déterminé à finir avec une importation déguisée qui pompe – sans compter, voudrait-on dire –  l’argent public. Le pire ? « Ce n’est pas en dinars, mais en devises ! », regrette Ferhat Ait Ali. C’est là le prélude à des mesures qui vont pousser certainement nombre d’« entreprises » à mettre la clef sous le paillasson.

El Hadjar, un fardeau ?

Commentant la mise de la société nationale du véhicule industriel  (SNVI) dans le giron de l’industrie militaire, Ferhat Ait Ali profitera de l’occasion pour expliquer davantage sa vision de l’industrie, ainsi que l’idée qu’il se fait et du privé et du public algériens. « Le privé a l’impératif de rentabilité, mais aussi un appétit démesuré de gain. Le public, lui, est dans une logique rentière », dira-t-il. Et d’ajouter à regret : « Sauf le militaire est performant ». Même pour le complexe d’El Hadjar, le ministre voudrait qu’il aille à cette industrie. « Les différents financements n’ont pas pu arranger la situation. Si l’industrie militaire le demande, je ne dirai pas “non”, parce qu’il faut une discipline », dira le ministre qui reconnaît, indirectement, que ce complexe qui fut une fierté nationale est devenu un réel fardeau pour l’économie nationale et les responsables qui se succèdent à la tête du secteur.

H. F.

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