La Philharmonie de Paris présente actuellement une grande exposition dédiée aux musiques arabes, intitulée « Al Musiqa, voix et musiques du monde arabe ». Cet évènement a débuté le 6 avril dernier et se poursuivra jusqu’au 19 août 2018. Cette exposition est une véritable invitation au voyage à travers le temps, l’espace et les arts.
Dès qu’il franchit le hall d’entrée de l’exposition, le visiteur est transporté par rythme lent des caravanes et par le son lourd des benbirs (tambours) dans un désert majestueux quelque part entre le Sahara et la Péninsule Arabique. Cette immersion se poursuit tout au long du parcours, invitant le visiteur à traverser un patio andalou, une zaouia africaine (confrérie), un cabaret oriental, un cinéma égyptien, un café populaire de Barbès, en terminant son périple sur la place bruyante d’une grande ville arabe moderne.
Ce circuit nous convie à traverser les époques et les arts qui s’y associent ; tout d’abord, Al Jahiliiya (période préislamique) avec Al Qasida (poème) et Al Muaâllaqaat (poèmes suspendus). Puis avec l’avènement de l’Islam apparaît Al Adhan, l’appel à la prière du muezzin, et At’tajwid (psalmodie du Coran). Plus tard, avec l’âge d’or des califes ommeyyades, abbassides et andalous, émergent les arts musicaux avec la figure de Zyriab et les arts poétiques avec la naissance du muwashshah (forme de poème et de chanson à 3 ou 7 strophes inventée en Al Andalus vers le 11ème siècle). Vers le 15ème siècle, le soufisme se répand en Afrique du nord et en Afrique subsaharienne avec la diversité des musiques mystiques.
Les siècles passent et nous atterrissons dans le Caire des années 40-50, entre un cabaret oriental et une salle de cinéma égyptien où nous sommes accueillis par les grandes stars de l’époque : l’Astre de l’Orient Oum Kalthoum, l’incontournable Mohammed Abd El Wahab, Abd El Halim Hafez, Samia Gamal, Farid El Atrache, Asmahene, Leila Mourad et Fairuz. Puis, nous quittons le Mashreq pour nous envoler vers le Maghreb et suivre les traces de la première génération d’immigrés venus travailler en France au lendemain de la première et de la seconde guerre mondiale, nous arrivons alors dans un café à Barbès, lieu de sociabilité où sont composées et écoutées les chansons nostalgiques racontant l’exil et le pays lointain, avec Dahmane el Harrachi, Akli Yahyaten, Slimane Azem ou Warda.
Le temps de boire un thé ou un café et nous voilà déjà au début des années 90 avec l’émergence de la musique Raï qui s’exporte en France en compagnie de Cheikha Rimitti, Cheb Khaled et l’ONB. Enfin, cette halte nous conduit à la création contemporaine et à l’intense créativité qui anime les jeunes générations, mettant l’accent sur l’effervescence et les métissages musicaux apparus au milieu des années 2000, dans ce monde dit arabe aux identités linguistiques et culturelles multiples, s’étendant sur un large territoire géographique composé de 22 pays, regroupés en cinq espaces régionaux : le Grand Maghreb, la Vallée du Nil, la Corne de l’Afrique, le Croissant fertile et la Péninsule Arabique.
Cette croisière propose également des escales sonores et visuelles se matérialisant par une polyphonie d’appels à la prière, la diffusion d’archives sonores rares, d’extraits de films cultes et de spectacles, ainsi que la sélection de veilles chansons accessibles sur un Scopitone. Sont également exposés des instruments de musique, des calligraphies, des miniatures, des peintures et de nombreuses photographies; on découvre aussi des bandes dessinées, des anciennes affiches de cinéma et des pochettes de vieux disques.
Aussi, par son ambiance musicale chaleureuse et sa scénographie recherchée, l’exposition Al Musiqa se distingue par sa convivialité et son hospitalité, s’adressant à un très large public, aux petits et aux grands, aux mélomanes avertis et passionnés de Musiqa et Tarab, ainsi qu’aux profanes curieux de découvrir de nouvelles cultures musicales.
Enfin, cette manifestation parisienne permet de palier le travail des médias qui traitent assez peu de la richesse culturelle du monde arabe; elle gomme les clichés et atténue les préjugés, faisant ainsi découvrir cette partie du monde sous un angle différent et apportant au public des éclairages artistiques, sociologiques, historiques et linguistiques.
Soraya DJOUADI
Légendes PHOTOS :
1 – « Affiche de l’exposition Al Musiqa » – Paris (France) 2018 – © Sabir Design Studio
2 – « Poésie du désert – Expo Al Musiqa » – Paris, Avril 2018: – ©DS
3 – « Zyriab – Expo Al Musiqa » – Paris, Avril 2018: – ©DS