Echec à l’examen, dispute avec le mari. En d’Autres contrées, on prendrait automatiquement rendez-vous chez le psychologue. Chez nous, lorsque ça ne tourne pas rond, direction le Talebou la chouaffa !
Le charlatanisme qui revient, drapé du sceau de la religion, s’étend et se banalise en Algérie. On les appelle « chouafattes », « guezenates » ou Taleb, ces voyants ou pseudo-guérisseurs.
Le vieux charlatanisme, qui semblait avoir été vaincu par le mouvement de réforme de Cheikh Ben Badis, a fait au cours de ces décennies, un retour en force. Cela n’a plus rien à voir avec le Taleb d’antan, qui tout en confectionnant l’amulette de circonstance, indiquait au malade le chemin du médecin.
La dégradation des conditions de vie, l’absence de perspectives, les grands traumatismes liés à la décennie sanglante ont favorisé l’éclosion de ces milliers de « médecins » dont les prétentions, qui ne se limitent pas à « chasser les démons » mais vont jusqu’à guérir des cancers ou la stérilité, hérissent la raison.
En Algérie, le recours à ces pratiques ne se limite pas à ceux dont le niveau d’instruction est limité, mais également aux couches aisées et instruites.
Consulter une voyante (chouaffa) continue à être bien ancré dans notre société. Elles confectionnent des élixirs à ingurgiter ou des amulettes à pendre autour du cou en guise de protection, « herz » contre le mauvais œil.
Djamila 27 ans ne s’entend plus avec sa belle-mère. Pour conjurer le mauvais sort, elle s’adresse à une chouaffa, réputée pour ses « hrouz ».De fait, les jeunes filles en mal d’amour, les divorcées et les femmes bafouées se bousculent chez elle. Il vous en coûtera 800 DA les 15 minutes de consultation, amulette comprise. Les « hrouz » confectionnés à partir de morceaux de bois, os, minéraux…sont préparés à l’avance et classés par catégorie sur une vieille étagère métallique. Les plus motivées déboursent jusqu’à 1500 DA pour se faire tirer les cartes !

Ces « praticiennes » d’un autre temps, n’ont même plus besoin de campagne de communication, le bouche à oreille fait son œuvre.
Ainsi certains raqi, ces guérisseurs de la parole ne reçoivent que sur recommandation ou rendez-vous tant ils sont surbookés. D’interminables files d’attente se forment devant leur domicile, y compris le vendredi !
Les clients sont priés de se présenter avec deux grandes bouteilles d’eau minérale. On voit même certaines trimbaler des fardeaux entiers.
Le Taleb, après avoir soumis son patient à un petit interrogatoire, ouvre d’abord la bouteille. Accolant ses lèvres au goulot, il se met à psalmodier des versets coraniques. Même rituel avec un flacon d’huile d’olive. Le raqi vous recommandera de boire l’eau purifiée et de vous enduire le corps avec l’huile.
Dans certains « cabinets » privés, dédiés à la roqia, lestarifs peuvent monter jusqu’à 1800 DA la séance.
Hamida, 48 ans, femme au foyer, ne jure que par la roqia. Dès qu’un grain de sable vient enrayer sa vie de famille bien huilée, elle se précipite séance tenante chez l’imam de la mosquée de son quartier, pour enlever le s’hour.
Pourtant, si la « roqia » en tant que médication est recommandée par la religion, elle ne peut en aucun cas détrôner la prise en charge médicale. Et le devoir des hommes de religion est de mettre en garde contre le charlatanisme.
En Algérie, les lois réprimant le charlatanisme existent. Ces personnes sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans, selon l’article 372 du code pénal. La loi prévoit également dans ses articles 8 et 14, dans le cas d’un grave préjudice, la perte des droits civiques et politiques.