Abderrahmane Hadef, Consultant international en développement économique à propos de l’organisation de...

Abderrahmane Hadef, Consultant international en développement économique à propos de l’organisation de l’IATF 2025

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Entretien réalisé par Aksel Mohamed

A l’approche imminente du coup d’envoi de la 4e édition de la Foire commerciale intra-africaine, l’économiste nous livre une analyse approfondie sur l’importance de l’évènement qui va au-delà des chiffres, ainsi que les défis et perspectives qui attentent le Continent. M. Hadef passe également au peigne fin les conditions nécessaires qui permettent à l’Algérie d’être un des catalyseurs de la transition de l’Afrique qui appelée à repenser ses chaînes de valeur.

Abdelrahmane Hadef consultant international

Pour qu’un accord signé à l’IATF se traduise en flux commerciaux concrets, il faut une architecture en trois couches complémentaires :

1. Préparation «ready-to-deploy» : chaque offre présentée doit être packagée (site industriel identifié, statut foncier clair, PPA ou contrat d’achat standard, calendrier d’exécution, estimation CAPEX/OPEX). Ces « bundles » facilitent la décision d’investissement immédiate. (Opérationnellement : fiches d’investissement standardisées).

2. Organe de suivi post-foire (guichet unique opérationnel) : une cellule mixte AAPI / ministère / ambassade / partenaire financier Afreximbank ou banque locale) qui reçoit les leads, les qualifie et s’engage sur des SLA (p.ex. réponse initiale 30 jours, due diligence 90 jours). Sans suivi structuré, 70–80 % des leads restent lettre morte. L’IATF a montré précédemment l’importance d’un tel pipeline.

3. Facilitation financière et logistique : l’accès au financement (lignes Afreximbank, garanties partagées, facturation via PAPSS pour réduire coût et délai des paiements intra-africains) et le déblocage des verrous logistiques (pré-certification des produits, accords RoO, corridors de transport) sont indispensables pour transformer contrats en exportations effectives. L’expérience montre que l’absence de solutions de paiement et de garanties est le principal obstacle à la mise en œuvre. En pratique, la structuration doit être sectorielle (packaging par filière) et s’accompagner d’un calendrier de réalisation, de mécanismes de mitigation du risque (assurances & garanties) et d’indicateurs publics de suivi (tableau de bord deals signés → deals exécutés).

Plusieurs arguments économiques et stratégiques fondent ce choix :

Taille du marché &gains d’échelle : l’Afrique représente 1,5 milliard de consommateurs et un PIB cumulatif de plusieurs milliers de milliards USD ; internaliser les chaînes de valeur permet de capter la valeur ajoutée domestique plutôt que d’importer composants et produits finis. (Argument de marché et d’industrialisation). Ceci permettra d’augmenter significativement le taux des transactions commerciales intra-africaines estimées actuellement autour 16% du total du commerce continental. A noter que l’agenda 2063 prévoit de porter ce taux à plus de 50% à l’horizon 2063 par une mise en œuvre effective de la ZLECAF.

Résilience face aux chocs externes : réorienter les chaines d’approvisionnements vers des sources intra-africaines (en backward linkages ou en forwardlinckages) réduit la vulnérabilité aux ruptures de supplychains mondiales et aux hausses tarifaires / barrières non-tarifaires. Les tensions commerciales internationales récentes renforcent cet argument.

Création d’emplois et valeur ajoutée : chaque activité de transformation locale multiplie l’emploi et les recettes fiscales par rapport à la simple exportation de matières premières. Afreximbank et autres études montrent que renforcer les RVC (regionalvalue chains) est l’un des leviers les plus puissants pour l’industrialisation.

Optimisation des coûts logistiques : rapprocher production &consommation réduit coûts de transport et délais, ce qui est déterminant pour produits périssables (agro) et composants sensibles (électronique, pharmaceutique). Pour traduire ces arguments en politiques concrètes, il faut : harmoniser normes et certifications (mutual recognition), instaurer règles d’origine claires et applicables, mettre en place mécanismes de trade-finance adaptés et soutenir la création de hubs industriels régionaux (ZES spécialisées, corridors logistiques).

Oui, l’Algérie a des atouts concrets pour jouer un rôle catalyseur — sous condition d’un passage rapide d’intentions à mesures opérationnelles :

Atout géographique et énergétique : position méditerranéenne, réseaux de transport vers l’Europe et Afrique, et capacités énergétiques (gaz, potentiel EnR) qui peuvent servir de base à corridors énergétiques et à projets d’intégration (p.ex. production d’électricité et hydrogène vert destinés à l’export régional/eurasiatique). Ces caractéristiques font de l’Algérie un point d’ancrage naturel pour des chaînes énergétiques régionales.

La ressource humaine, bien formé et qualifiée. Un avantage compétitif de prier ordre lorsqu’on voit le de l’autre de la méditerranée le déclin démographique qui s’accentue (le dernier rapport Dragui sur la situation de l’économie européenne révèle que l’UE va perdre plus de 2 millions de personnes de sa force active à partir de 2040).

Capacité industrielle existante : présence de capacités dans certains

Segments (câblage, agro-transformation, sidérurgie légère) offre un point de départ pour monter en gamme et intégrer des chaînes régionales, en particulier si on accélère la certification et la normalisation pour l’export.

Volume et marché intérieur : la taille du marché algérien permet des premiers montages industriels économiquement viables avant mise à l’échelle régionale.

Volonté politique et hôte de l’IATF : le fait qu’Alger organise l’IATF2025 et signe des accords de partenariat (host agreement avec Afreximbank et la Commission) est un signal fort d’engagement et de capacité d’animation régionale.Cependant, pour être catalyseur effectif, l’Algérie doit lever trois verrous :

1-Faciliter l’accès au foncier industriel et accélérer le développement de ZES ciblées.

2-Simplifier et stabiliser le cadre réglementaire (PPP, rapatriement de capitaux, incitations sectorielles) ; (iii) mettre en place des mécanismes financiers (garanties, lignes co-financement avec Afreximbank, instruments d’assurance-risque) pour dé-risquer les investissements internationaux et régionaux. Tant que ces verrous persistent, l’Algérie restera un acteur potentiellement central mais sous-exploité.

A. M

 

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