Cheikh « Chemsou » : au nom de la Mecque…et du porte-monnaie...

Cheikh « Chemsou » : au nom de la Mecque…et du porte-monnaie !

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Le Cheikh Chemsou est devenu une star en Algérie grâce à son émission "Insahouni "diffusée sur la chaine privée Ennahar Tv.

 

Dans un univers audiovisuel en pleine mutation, les émissions islamiques rencontrent un franc succès en Algérie. Mais un programme particulier retient davantage l’attention du public : « Insahouni » (Conseillez-moi en français), présenté par le Cheikh Chemseddine Aldjazairi sur la chaîne privée Ennahar TV. Très apprécié, son animateur est devenu une véritable star dans son pays. Portrait d’un imam pas comme les autres.

Vindicatif, drôle et truculent, il est la star des téléprédicateurs musulmans qui fleurissent sur le petit écran. Lui, c’est Cheikh Chamsseddine Al Djazairi; Bouroubi de son vrai nom. « Cheikh Chemsou » pour les intimes. Cet imam de « formation » fait depuis quelques années les beaux jours de la chaine privée Ennahar TV (proche du clan Bouteflika) grâce à son émission « Insahouni » (Conseillez-moi en français), où il répond avec son élocution inimitable aux différentes interrogations de ses téléspectateurs. Bousculant les codes de la bienséance islamique, le prédicateur a rapidement réussi à se démarquer de ses concurrents. Et sa recette est d’une « simplicité coranique » : une rhétorique alliant bon sens populaire et gaudriole, le tout englobé dans une vision outrageusement démagogique de l’islam. Ainsi, ses thèmes de prédilections sont le sexe (dans le cadre du mariage bien sûr !), l’amour, les femmes en privé et en public, l’adultère, la pudeur…etc. En somme, tout ce qui relève de l’intime. Car le Cheikh «Chesmsou» parle rarement de politique. Sauf quand il s’agit de caresser dans le sens du portefeuille un pouvoir pour lequel il est en service commandé. En témoigne sa Fatwa émise en 2012, décrétant l’obligation de voter aux élections législatives alors que toute l’opposition appelait au boycott…

Islamiste modéré ou populiste de bas-étage ?

Se réclamant de la tendance Malékite, le courant islamique majoritaire au Maghreb, son approche tranche toutefois avec l’obscurantisme des wahhabites et autres salafistes ultras, qui diabolisent tout ce qui touche à la femme et à l’intime plus généralement. Nouredinne Khelassi, éditorialiste au quotidien algérien la Tribune, estime en effet que « C’est un imam qui reste certes dans l’orthodoxie malékite, mais qui fait rarement preuve de rigorisme. Ses explications du dogme islamique appliqué à la vie courante, sont souvent émaillées de poèmes, de proverbes et de dictons. En outre, malgré quelques dérapages dus à son conservatisme, il est utile à la société dans la mesure où ses fatwas déconstruisent parfois le discours des salafistes et autres intégristes». Mais derrière sa truculence de titi algérois, Cheikh Chemsou n’en demeure pas moins foncièrement réactionnaire. Parmi ses fatwas, on peut effectivement citer « L’interdiction pour les femmes des lécher des glaces en public », l’appel à l’interdiction du film l’Oranais de Lyes Salem, car celui-ci dépeint « des révolutionnaires algériens buvant de l’alcool et côtoyant des femmes ». Le prédicateur issu du quartier populaire de Belouizdad (ex Belcourt) a même osé demander, bravache, aux femmes « d’éviter de sentir l’oignon quand leurs maris rentrent émerveillés par les bombes parfumées qu’ils ont croisées dans la rue ». S’agissant justement de la question du sexisme, Nouredinne Khelassi, qui a côtoyé le Cheikh dans un quotidien arabophone, relativise : «Je dirai qu’il est sympathiquement misogyne. Par définition, par nature et par principe même, comme beaucoup d’Algériens d’ailleurs et qui ne sont pas des hommes de religion. Mais il reste un modéré. Il fait à son insu de l’antiwahhabisme… je refuse personnellement de le caricaturer. »

Une caricature du Cheikh Chemsou publiée sur le journal El Watan

Au-delà du contenu de ses prêches, c’est davantage le « style » Chemsou qui retient l’attention du public. «Son succès, il le doit à ses exégèses simplifiées, sa verve, sa truculence, il fait de l’audimat car il est drôle. Plein d’humour. Un bon vivant mais pas au sens épicurien… » Conclut, ironiquement, N.khelasssi. Un constat que ne partage pas le réalisateur-producteur Bachir Derraïs, qui déclarait au site Géopolis.fr, que derrière une sympathie de façade, le Cheikh Chesmdeddine est un véritable agent du pouvoir. « Cet homme n’est pas imam même s’il fait de l’audience. Il travaille sur un terrain fertile, déjà labouré par l’idéologie islamo-arabo-conservatrice, privilégiée par le pouvoir depuis 1962. Tous ces imams, devenus vedettes de la télé aujourd’hui, ont collaboré avec les services de renseignements durant toute la décennie noire (1990-2000, ndlr)».

Un homme d’affaire qui ne perd jamais le nord !

Le Cheikh a une autre corde à son arc, méconnue de son public : un sens aigu des affaires. Car derrière sa gouaille populeuse, se cache un chef d’entreprise aguerri. Le cheikh Chesmou serait en effet à la tête d’une PME qui chapeaute son émission.  «C’est un sacré businessman. Ce monsieur a une petite PME qui gère son émission sur Ennahar TV, notamment les appels surtaxés des auditeurs (ices) qui posent des questions » explique Nouredinne Khelassi. Aussi, ceux qui le côtoient aiment à dire en privé que l’imam cathodique « est certes, un gars assez humain et très sympathique, mais qui n’oublie jamais les deux orientations essentielles dans sa vie : celle de la Mecque et celle de l’argent »…

 

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